METAPHORE

Au-delà des collines, loin des champs semencés,

loin des prés où les bêtes aux flancs gras et dodus

paissent dès les matines une herbe parfumée ;

il est un lieu qui prête à bien des retenues.

Les hommes ont délaissé cet endroit terrifiant

où les loups, nous dit on, sont maitres de céans,

où il est chuchoté, toujours en se signant,

que vit là un dragon dévorant les enfants.

D'ailleurs un soir d'hiver, en cherchant un agneau,

un frêle pastoureau n'a t'il point disparu

en laissant père et mère accablés d'un fardeau

qui mena au tombeau ces parents éperdus ??

Voilà pourquoi, souvent...

Dans les pauvres chaumières, en petite assemblée,

devant l'âtre chauffant les âmes tremblotantes,

sous la faible lumière d'une mèche huilée,

on évoque Satan et sa horde inquiétante.

Pourtant...

Ce lieu abandonné n'est autre qu'une sylve

où les arbres ont grandi sans peur des bûcherons,

où un ruisseau discret laisse aller une eau vive

au gré de ses envies, de ses jeux de miston.

Y sont là des amis qui vivent en harmonie :

Ecureuils et bouvreuils, lapins et ragondins ;

des hérissons gentils, et des chauves-souris,

quelques jeunes chevreuils, et des goupils malins.

Y sont là mille plantes aux vertus bienfaisantes,

des baies rafraichissantes aux couleurs alléchantes,

tant de fleurs odorantes que leurs parfums enchantent

et laissent en dilettante une vie fort plaisante.

Mais...

ce lieu tant défrayé par des lies d'âneries

n'a jamais été vu qu'en pays reculé ;

aussi est-il marqué, à cette heure aujourd'hui,

par un lointain refus de ne point y entrer.

L'ignorance est ainsi qui engendre la peur,

qui apporte crédit aux propos des menteurs,

qui laisse sans avis les notions du bonheur,

qui sème le déni, fidèle serviteur.

L'ignorance est un fruit sans aucune saveur

dont le suc est la nuit, et le jus le malheur.

Manu Edouard Moulin

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